Dans le calme et la volupté ,l'atelier d'écriture
Dans le calme et la volupté ,l'atelier d'écriture poursuit son travail ,sa quête .Le texte ,sous le regard dionysiaque de Rolland ,s'habille de haut en bas puis de bas en haut et jette toute sa pâture ,toute sa parlure aux oreilles qui se dressent .
Jongleurs
Et te voilà
émergeant de la nuit, seul,
au sein d'un océan de lumière crue immense et sans refuge ,
naufragé volontaire face au trou noir de la salle obscure,
face au public ,masqué de nuit et de murmures,
qui attend tranquillement ton premier faux pas
et qui s'étonne, déjà, de ton silence .
Seul.
Loin,le trac.
A des années-lumière, le doute.
Derrière toi, le long travail obscur et obstiné .
Ici, et maintenant ,tu sais que tu es là pour imposer ton rythme
à la foule que tu auras su faire frémir de plaisir et d'effroi
-et que tu conduiras dès lors au bout de son destin -
ou bien pour succomber sous le coup des Bacchantes,
furieuses d'avoir été dociles trop longtemps à ta voix
sans avoir pu atteindre à l'ivresse promise .
Imprudent.
Téméraire.
Présomptueux.
Seul.
Maintenant comme à l'heure de ta propre mort;
et quels que soient les amis qui te soutiennent ,mais qui ne partagent pas l'épreuve,
la compagne qui pleure -et reste sur le quai.
Maintenant tu écoutes toi aussi ces mots qui sortent de toi par ta bouche
et qui ne parlent pas de toi,
mais qui parlent de toi quand même, et de celui qui les écoute,
comme s'ils naissaient à l'instant à l'intérieur de soi,
au plus profond de la forge rouge et noire,
et qui te reviennent,
grandis par le silence puissant qui les acceuille,
grandioses,
bouleversants,
comme tu ne les avais encore jamais entendus
et comme tu ne les entendras peut-être plus jamais ,
jongleur,
saltimbanque,
étincelant de lumière dans ton habit à paillettes,
seul, face à la foule que tu fascines,
face au trou noir au-delà de la salle,
dont tu distrais si bien son attention
sans pouvoir toi-même t'en distraire .
Jean-Louis Fontenault