Un festin ,oui . Les vitrines défilaient sous mes
Un festin ,oui .
Les vitrines défilaient sous mes yeux ,sous mes pas comme autant de crachats .
C’était l’hiver ,de cet hiver décembrien qui amoncelle vent ,feuilles racornies et flaques de boue . La Guyane ,profonde ,stérile remontait en moi dans le ventre d’une pirogue .
L’or s’étoffait au flanc de ma solitude ,loin d’Antecumpata ,de Maripasoula et de ses cabanes de planches pluvieuses .
Loin de Saül et de ses délirantes sinuosités .
Je vilipendais le monde entier ,sa guérite et ses boulevards
de cauchemar .Comme si la liberté pouvait s’acheter en cinq-sept ,un cornet à
la main ,une sale édition d’une « Saison en enfer » dans le revers du
veston . Presque un genre ..une génération .
Une dégénération millésimée
,millimétrée où rien ne peut dépasser ,ni se dépasser ,outrepasser le seuil de
l’érudition .
En clair je houspillais le monde entier .
Lire ,braire et psalmodier des cantiques que les fleuves
refluaient ;
lire ,braire et
labourer des eaux
boueuses que les paysans même ignoraient.
Les citadins citadinaient à l’ombre des jeunes filles ternes .
Les places vides parcheminaient la cité .
Seule une musique fétide fredonnait son relent puéril de fête à sapins .
Etêtiez-vous le sein de votre mère en juin 40 ?
L’ombre tombait ,tout le jour ,par aplats successifs ,chassant des geôles les charrettes de tonsures ,ranimant les feux de l’Inquisition.
Tsim-boum .Tsim
boum.
Oui monsieur ,bien entendu madame .J’enjambais tous ces corps malades .
La presse sous son ombelle bleutée croulait d’affiches pornographiques ,le bar en salle nous gravelait d’intrusions insanes ,l’hôtel de ville exhibait ses gens pressés ..de soupirer .
Une odeur de bienfaiterie publique . De chiottes publiques si vous préférez .
Dans un élan de hardiesse mal apprécié ,je soulevais le tutu de ces jeunes filles
emmaillotées . Michel De Montaigne s’en était volatilisé ,tous ses livres avec .Censurés par omission .
A l’époque je dormais peu ,sur des palettes peintes en bleu ,ma chambre à coucher donnant sur les bâtiments grisâtres de l’Ecole Anormale . Anonnale c’est ibidem .
En vlà du grison ,pas bien gris ,en vlà d’la grisette ,pas bèn sauvage .
Peu de sommeil ,mais
des étoiles à cinq branches carrelaient mon plafond toujours plus profond .La
nuit je soulignais ,j’annotais et cornais ce long fleuve noir .
Le jour je
vaquais tout dégouttant de palatin et de grec .
Si je me souviens bien c’était la guerre .
Les piafs piaillaient de plus belle ,mimologisant façon humaine ,le parler châtré des hommes .